Histoire de l'école Normale d'Institutrice de Grenoble, Julien Clavel

Préface 

Au moment où les vieilles structures universitaires sont bouleversées par une réforme profonde des mentalités et des institutions, il est heureux que M. Clavel ait pu rédiger, avec un grand talent, cette « Histoire de l'Ecole Normale de jeunes filles de Grenoble ».

C'est un véritable témoignage qui nous est présenté sur la formation des institutrices de la première moitié du XIXe siècle à nos jours. Au début de cette longue période le métier d'enseignant présentait moins de périls qu'aujourd'hui puisque le règlement intérieur des établissements précisait : « Les élèves doivent respect et obéissance aux maîtresses qui n'ont jamais tort... »! Affirmation périlleuse car dangereusement dogmatique. La liberté de l'esprit n'a pas pu supporter cette tutelle et nous sommes arrivés à l'heure de la « libération» où maîtres et élèves doivent communier dans la même modestie sans trop se prendre au sérieux. Ce n'est pas facile. Il y faudra, de part et d'autre, beaucoup de patience, de tolérance et d'humour.

Dans cette agitation novatrice et parfois révolutionnaire nous n'avons pas à renier le passé. C'est pourquoi cet ouvrage vient à point. Si l'avenir des Ecoles normales est mis en cause pour des raisons diverses, leur histoire n'en restera pas moins un vivant exemple de la foi des enseignants dans leur mission. Qui, mieux que les instituteurs et les institutrices, ont été les éducateurs des citoyens de ce pays? Ils ont, inlassablement, et avec peu de moyens, enseigné les enfants du peuple, dans les villes et les campagnes. Avant que le mot n'existe, ils ont été les seuls artisans de la promotion sociale pour les enfants les plus doués. Ils ont pratiqué, en permanence, l'orientation scolaire et professionnelle. Ils ont été les conseillers écoutés et respectés des familles les plus humbles. Quelle magnifique mission! Ce serait lâcheté de n'en point parler; ce serait folie de ne plus s'en inspirer — par je ne sais quelle timidité - pour enseigner aux jeunes ce qu'est un idéal fait de civisme au service du bien commun. 

Cet ouvrage est l'heureux aboutissement d'un travail d'équipe entre maître et élèves, puisqu'au départ les premiers dépouillements d'archives ont été faits par des élèves de l'Ecole normale. Qu'ils soient tous remerciés et félicités pour l'œuvre accomplie et qu'ils sachent y puiser ensemble, non pas l'attachement stérile à des traditions, mais le courage de faire face aux situations nouvelles résultant du progrès technique. Si le professeur n'avait, jadis, jamais tort, les élèves n'ont pas aujourd'hui toujours raison.

Une Ecole normale est le lieu privilégié où l'on devrait réfléchir avec sérénité et franchise sur ces affrontements de générations et ces transformations des mentalités qui peuvent engendrer aussi bien le progrès humain que les conflits destructeurs.

Je souhaite que la lecture de l'ouvrage de M. Clavel soit recommandée à tous les élèves des Ecoles normales et à tous les jeunes instituteurs et institutrices. Ils y trouveront beaucoup de plaisir, mais aussi un enseignement sur la grandeur de l'institution à laquelle ils ont l'honneur d'appartenir. N'est-ce pas également le meilleur moyen de remercier et de féliciter M. Clavel que de lui souhaiter un grand nombre de jeunes lecteurs? Les moins jeunes viendront naturellement, car le privilège de l'âge est d'aimer évoquer les souvenirs.

Maurice Niveau, 

Recteur de L'Académie de Grenoble

Une œuvre de qualité qui a pour point de départ un simple exercice scolaire. A l'origine, une jeune élève-maîtresse s'acquitte consciencieusement, en vue de l'examen final, de la tâche qui lui a été confiée. Prise par ce travail, qui vise à déceler des qualités de recherche, de jugement, d'esprit de synthèse, elle croit préparer seulement une monographie comme les autres; mais le goût qu'elle y prend, les résonances humaines qu'elle y découvre, l'intérêt de ses premières découvertes auront tôt fait de dépouiller son ouvrage de ce qu'il pouvait avoir au départ d'arbitraire ou d'imposé pour lui donner pleinement ce caractère de « travail personnel » mené avec enthousiasme et passion. Et les résultats sont de nature à convaincre le chef d'établissement et le professeur qu'il ne s'agit plus là seulement d'une œuvre de circonstance, permettant de juger les aptitudes d'une future institutrice et condamnée presque aussitôt à rejoindre les autres compositions d'examen sur un rayon d'archives; mais qu'il convient au contraire d'assurer à ce travail le prolongement et le retentissement qu'il mérite.

C'est ici qu'intervient l'action de Mlle Tissot, Directrice, qui prend cette entreprise à cœur; et de M. J. Clavel, Professeur, qui, par un effort soutenu de plusieurs longues années, l'a menée à bien. Il a accompli un travail considérable, avec une méthode et une conscience scrupuleuses, d'après des documents - passionnants ou arides — et de nombreux témoignages recueillis précieusement : c'est là un vrai travail d'historien.

Les instituteurs et les institutrices de l'Isère prendront le plus grand plaisir à la lecture de cet ouvrage : ils y découvriront la naissance et l'évolution d'institutions qui leur sont chères, et ce rappel leur sera particulièrement précieux à l'heure où chacun s'interroge sur le devenir des Ecoles Normales ; les anciennes élèves surtout apprendront dans les détails, émouvants ou amusants, l'histoire d'un établissement auquel les lient tant de souvenirs; et tous retrouveront, dans cette collaboration même entre une élève passionnée par son entreprise, le professeur qui a guidé ses efforts et le chef d'établissement qui a joué le rôle d'animatrice permanente, l'esprit des Ecoles Normales, générateur d'une formation de qualité, dont notre enseignement bénéficie depuis de longues années.

J. SAURY,

Inspecteur d'Académie.