Larousse Insolite, Dictionnaire en Image, Préface Pierre Perret, 2002

Larousse Insolite 

Larousse ouvre ses trésors : un siècle et demi de savoir et d'images, une semeuse familière aux Français de toutes les générations. Et voici un livre de plaisir, de souvenirs et de connaissances: un dictionnaire en images qui présente par ordre alphabétique une sélection de dessins, de planches et de définitions amusantes tirés du fonds immense des productions Larousse depuis les origines ou presque. On y retrouve les objets, les costumes, les traditions d'hier comme les illustrations techniques les plus précises ou les magnifiques représentations de la faune et de la flore. Un dictionnaire insolite dont les entrées - un peu comme dans un inventaire à la Prévert - se suivent uniquement en fonction de la beauté ou de la cocasserie des images et des textes. Un livre unique, dans lequel chacun retrouvera un peu de son passé et beaucoup d'aujourd'hui...

Préface

De la première voiture de course à vapeur jusqu'au traitement de l'ankylose du genou par une infernale machine qui vous mènera sans doute tout droit vers l'amputation, on découvre tout - ou presque - dans ce splendide ouvrage riche d'enseignement. On découvre ici avec bonheur un siècle et demi de mémoire visuelle escortée de savantes et pratiques notices, dont le libellé, parfois un tantinet angélique, force le sourire. « L'aspirateur de poussière à grand travail installé dans le sous-sol d'un immeuble 1904 » constitue une définition en 2002 plutôt réjouissante dans son décalage. Le graphisme de certaines illustrations tout droit sorties d'un album du sapeur Camember ne manque pas non plus de charme. Les planches en couleurs de l'âne ou de la gracieuse alouette sont souvent dignes d'un Daumier, d'un Forton, d'un Caran d'Ache ou d'un Steinlen. Le dessin du personnage écoutant son audiophone évoque le graphisme rigoureux d'un Cardon ou d'un Topor. La notice qui l'accompagne eût été rédigée par ce farceur d'Alphonse Allais que cela ne serait guère étonnant : « L'action de cet instrument repose sur le renforcement des sons par les os de la tête. Il est surtout efficace dans la dureté de l'ouïe, à la suite des suppurations antérieures de l'oreille moyenne. »

Le malicieux Francis Blanche eût sans doute pu lui aussi en être le rédacteur. 

Les mots choisis, leur étymologie, les savoureux dessins ainsi que (parfois) les insolites commentaires qui les accompagnent se rapportent à tout un univers de formules, d'objets, ainsi que d'images aujourd'hui presque tous disparus. Nous sommes séduits par le pouvoir d'évocation d'un panorama pictural et rhétorique qui demeurait à l'évidence étranger à tous les bipèdes gourmands d'encyclopédies qui de nos jours atteignent à peine l'âge canonique. Cet ouvrage se présente à la fois comme un super grand bazar, un richissime grenier où l'on découvre émerveillé la « leçon de choses », le Catalogue de la manufacture de Saint-Étienne, l'Atlas universel et les milliers de civilisations qui le peuplaient aux alentours de 1850. Au fil des pages, on déniche la vie des champs, les costumes ainsi que les croyances des simples paysans (voir Abracadabra), la naissance des industries nouvelles et le réalisme des conditions de travail des ouvriers. Elles peuvent laisser rêveur au regard de celles d'aujourd'hui accomplies généralement en trente-cinq heures hebdomadaires. Ces mille et une astuces améliorant la qualité du labeur quotidien sont, bien entendu, ignorées ou oubliées au XXIe siècle. L'hygiène en ce temps-là et, par corollaire, la médecine y sont évoquées, et ce ne sont pas de minces étonnements qui nous attendent. Les habits des bourgeois, des gens simples, des enfants de toutes conditions y sont représentés avec une jubilatoire minutie. On apprend à chaque page un certain état d'esprit conventionnel qui animait et qui était respecté par tout un chacun : ainsi le chien s'appelait « Médor » et le perroquet « Coco »... On est surpris de l'imagination qui suscite l'économie de gestes, de temps, de fatigue. L'astucieuse façon d'allaiter un enfant en le tenant sous la chèvre semblerait à présent plutôt anachronique et, bien entendu, antihygiénique au possible en comparaison du lait aseptisé que l'on impose à nos chérubins. Mais, au fait, à cette époque, coulait-il de la dioxine dans les ruisseaux où se désaltéraient ces braves biquettes ? Oui, c'est un monde idyllique et obsolète dont on se prend à rêver au gré des pages. Ces temps-là tels qu'on les retrouve dépeints ici étaient pourtant sans nul doute très durs : on y mourait souvent avant d'avoir atteint la cinquantaine. C'est cependant le témoignage capital de la centaine d'années qui fut probablement la plus marquante dans l'histoire de l'humanité jusqu'à la découverte de la pénicilline. Quelle belle idée il a eu ce petit Larousse de ciseler un ouvrage pareil pour fêter les cent cinquante piges de son grand-papa ! Et quelle bonne résolution vous venez de prendre, cher lecteur, en l'offrant au vôtre avant qu'il n'atteigne le même âge !

Pierre Perret 

Ce livre insolite a été constitué à partir de nombreux ouvrages du fonds Larousse depuis le XIXe siècle.